La majorité en voie de désintégration ?

Publié le par Josep

L’UMP en train de se fissurer sous le choc du Front national ? Démoralisés par leur défaite aux cantonales de dimanche, les élus de la majorité se divisent à cor et à cri sur la stratégie à tenir pour récupérer leurs électeurs partis vers la droite nationale ou en voie de se laisser tenter par elle. Autrement dit, à travers les déclarations des uns et des autres, nous assistons à des tiraillements fratricides entre ceux qui lorgnent à gauche et ceux qui malgré tout regardent à droite. Non pas tant d’ailleurs pour faire la politique que réclament les électeurs de droite, mais parce qu’ils guignent sur les réserves de voix que représente désormais la droite nationale et dont aucun candidat de l’UMP, en 2012, ne pourra se passer pour accéder à l’Elysée.

 

Sentant la mutinerie gagner ses troupes jusqu’au sein du gouvernement, Nicolas Sarkozy a appelé celles-ci, lundi, à resserrer ses rangs. Tout d’abord le chef de l’Etat a tenté de minimiser la débâcle de dimanche soir : « Nous sortons d’une crise séculaire et d’une réforme des retraites sans précédent, tout était réuni pour une défaite cinglante. » Avant de s’adresser à « ceux qui mettent en cause notre famille politique ». Allusion aux radicaux de Jean-Louis Borloo, aux centristes et aux chiraquiens qui, voyant partir les suffrages de la majorité vers la droite nationale, critiquent publiquement, et parfois avec véhémence, la droitisation du discours officiel ou le refus d’un front républicain contre le Front national. Certains ministres, comme par exemple Nathalie Kosciusko-Morizet, appelant même avant les élections, pour contrer le FN, à voter PS. Lundi, le chiraquien François Baroin, ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, a ainsi souhaité au micro de France Info l’arrêt du débat sur l’islam et la laïcité, les priorités des Français, selon lui, « n’étant pas là ». Pour Baroin il faut « s’écarter de tout ce qui peut donner l’impression de stigmatiser ». Fillon lui-même a fait savoir par personne interposée qu’il était « très mal à l’aise avec ce genre de débat ».

 

Contre ces mutins aux mines mutines, Nicolas Sarkozy a tonné : « S’ils veulent mettre en danger notre unité, ils ne le feront pas avec notre complicité. » Et de rappeler : « Dans son fief de Valenciennes, Borloo n’a placé aucun conseiller général, ils sont tous communistes. » C’est ce qui s’appelle prendre une fameuse piquette. Mais qu’importe : du moment qu’il n’y a pas d’élus Font national, Borloo est content.

 

La parole courroucée du chef de l’Etat n’a toutefois pas suffi à rétablir le calme. Dès lundi soir, Jean-François Copé reprochait vivement à François Fillon, sur Canal+, après avoir ironisé sur sa « posture », de « ne pas jouer collectif ». Un Franck Ribéri de l’équipe gouvernementale en quelque sorte ? A la question de savoir si le Premier ministre avait failli sur l’exigence du jeu collectif, le député-maire de Meaux a répondu sans l’ombre d’une hésitation : « Exactement. » De la « posture » à l’imposture il n’y a qu’un pas. Ex-patron incontesté de la majorité (ce temps est bien fini), Nicolas Sarkozy semble aujourd’hui impuissant à reprendre celle-ci en main et à se faire entendre d’elle.

 

Les Hauts-de-Seine : quand le cœur du système a des ratés


Vice-présidente du Conseil général des Hauts-de-Seine, elle rêvait d’en devenir présidente à la place de Patrick Devedjian. Rêve qui, dimanche soir, s’est fracassée dans les urnes du second tour des élections cantonales. Isabelle Balkany, épouse du maire de Levallois, Patrick Balkany – deux intimes du président de la République dont ils ont accompagné depuis le début toutes les étapes de sa carrière politique et les aléas de sa vie familiale – a été sèchement battue par un divers droite, Arnaud de Courson de Villeneuve, qui remporte l’élection haut la main, avec 56 % des suffrages. Un autre centriste sans étiquette, en l’occurrence le maire de Neuilly, Jean-Christophe Fromentin, « a engrangé le meilleur score de la droite dans le département » en éliminant l’UMP Marie-Cécile Ménard, avec 70,2 % de bulletins favorables. Caractéristiques communes à ces deux faits d’arme anti-UMP par deux francs-tireurs de la droite libérale : ils se sont déroulés dans l’ancien canton de Nicolas Sarkozy.

 

Le berceau du sarkozysme…


A Sceaux et à Rueil-Malmaison, toujours dans les Hauts-de-Seine, le même phénomène s’est également produit : deux sortants UMP ont été battus, l’un par un divers droite sans apparentement et l’autre par un dissident du parti majoritaire. Dimanche les Haut-de-Seine sont en quelque sorte devenus le symbole de ce désaveu massif de Nicolas Sarkozy, dont les cantonales des 20 et 27 mars ont en quelque sorte été le signe le plus évident. Et le plus concret. Un désaveu dans et par son propre camp. Pour celui qui aime tant les montres en or, voici un rejet tout aussi massivement bling-bling.


Dimanche soir, dans un bureau de vote de Levallois, un cadre quadragénaire exprimait en termes directs sa satisfaction de voir Isabelle Balkany mordre la poussière : « On vient de mettre à bas un système clanique qui a totalement vérolé notre ville. » Or, ce système « vérolé » du clientélisme fut celui du RPR de Pasqua, avant d’être récupéré et confisqué à son profit par Nicolas Sarkozy qui semble l’avoir encore aggravé. Un système dont les Balkany, mari et femme, ont largement usé et abusé.


Du coup, avec la brutale disparition d’Isabelle Balkany de son chemin du champ politique, le président sortant du Conseil général des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, conserve ses chances d’être réélu. A moins que son ami de trente ans, « Nico » pour les intimes, avec lequel il est en bisbille, décide quelques coups tordus pour se venger de l’affront fait à sa personne ? Au risque d’accélérer l’arythmie cardiaque de ce qui fut le cœur d’un dispositif autour duquel gravitèrent tout un tas de copains et de coquins.


Pour corser l’affaire des Hauts-de-Seine, œuvre aussi dans ce département Jean Sarkozy, dont Isabelle Balkany fut la marraine politique. Une marraine que le rejeton du président de la République trouve depuis quelque temps trop possessive et trop encombrante. Une sorte de mère abusive. Entre les deux, les relations quasi filiales se sont un peu distendues. Au point qu’Isabelle regrettait récemment devant des journalistes : « Jean est un polytraumatisé de l’Epad. Le clan Balkany, ça lui fait peur. C’est là où il n’est pas tout à fait comme son père. »


Voir. C’est à partir de l’Epad (Etablissement public pour l’aménagement de la région Défense), à la tête de laquelle le président de la République voulait installer son fils Jean (23 ans à l’époque et une licence de droit inachevée pour tout bagage), qu’a commencé pour Nicolas Sarkozy la désaffection de son camp. La petite goutte qui a fait déborder un vase de déceptions déjà trop plein. Vous reprendrez bien un petit verre d’Epad, Monsieur le président ? C’est bon pour l’ego…


Isabelle Balkany fut dans sa lointaine jeunesse journaliste au quotidien l’Aurore. Mais aujourd’hui ce serait plutôt, en fait d’aurore, le crépuscule de sa carrière politique. Un crépuscule qui semble aussi annoncer celui de l’ancien maire de Neuilly…

 

Départements en expectative


Si le Jura et les Pyrénées-Atlantiques ont clairement basculé à gauche, la chose est moins sûre pour Mayotte, la Réunion et la Savoie. Dans ces trois départements où la gauche arrive arithmétiquement en tête, la situation reste toutefois incertaine en raison d’élus « indépendants ». Les fameux divers gauche et divers droite, dont ne sait pas toujours quelles orientations politiques ces marques individuelles recouvrent. On sera définitivement fixé jeudi, lors du troisième tour des cantonales que constitue l’élection des présidents de conseils généraux.


JEAN COCHET


 "Présent" du 30 mars 2011 
   

Publié dans Actuel

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