Petits baigneurs acrobatiques

Publié le par Josep

Il peut être intéressant de suivre les évolutions aériennes des martinets et hirondelles au voisinage de l'eau. Lorsqu'il fait chaud, et avec de la chance et de la patience, on peut voir la baignade de ces infatigables oiseaux. Avant de s'aventurer dans l'eau, ces voiliers tournent de plus en plus près du liquide. Soudain l'un des oiseaux rabat les ailes en l'air, plonge comme un trait, ressort aussitôt et poursuit son vol sans s'être arrêté. Tout au plus le corps s'est-il momentanément déséquilibré par le freinage brutal, mais d'un coup d'ailes instantané, l'hirondelle - ou le martinet - rétablit la situation.

Cette technique de bain très particulière est propre à ces espèces. Le loriot use d'une variante ; il plonge du haut d'une branche et se précipite dans l'eau avec un angle de 45°, pour en ressortir immédiatement et regagner son perchoir, tandis que les irondelles et martinets entrent en contact avec la surface avec un angle insignifiant.

Depuis le siècle dernier (19e), des dizaines de notes, consignées dans les revues et ouvrages ornithologiques, font état de ces bains instantanés, dont l'observation est extrêmement difficile.
Hirondelles, martinets et engoulevents boivent en écopant l'eau avec le bec largement ouvert. Une petite série de photos, publiée en avril 1979 par le photographe anglais S. Dalton, révèle de manière saisissante ce comportement "invisible" trop bref pour être capté par l'oeil humain. Des semaines de préparation technique, puis un mois entier d'essais ont préludé aux prises de vues sur un étang dans le Sussex. En trois semaines, qutre-vingt dix photos réussies ont couronné de succès l'entreprise hasardeuse de S. Dalton. Un document montre comment une hirondelle crache l'excédent d'eau qu'elle vient d'écoper ; peut-être s'étouffe-t-on aussi dans le monde emplumé en avalant une trop grosse gorgée d'eau ?

Il arrive aussi aux hirondelles de prendre des bains de rosée. Là, tout est plus calme ; l'action se passe sur le gazon de préférence. Un matin de septembre 1949, N. A. Newmarch a été témoin d'une baignade insolite. Une forte rosée perlait sur le gazon lorsqu'un vol de dix-huit hirondelles de cheminée s'abattit sur la pelouse. Chaque oiseau s'agitait, battait des ailes et s'ébrouait avec délices. Le "bain" durait une à deux minutes, mais pendant un quart d'heure un va-et-vient ne cessa de régner entre les fils téléphoniques et le gazon du jardin.

Le 18 septembre 1977, l'ornithologue P. Olivier a suivi la baignade d'une centaine d'hirondelles de rivage sur une pelouse fraïchement tondue, blanche d'une intense rosée matinale. Des oiseaux buvaient, les autres s'imprégnaientle plumage de rosée, avant de reprendre leurs évolutions aériennes. Plusieurs passereaux fauvettes et pouillots, s'adonnent volontiers à ce genre de baignade matinale, qui reste rare chez les hirondelles.

Paul Schauenberg

Source : Journal de Genève (14 juin 1979)
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